Ou comment envoyer une fée en HP

Chère Lily,

Enfin le week-end !

Oui je sais, il m’arrive souvent de me contredire. Mais là, il était vraiment temps. Cette semaine d’aliéné est enfin terminée, ouf ! Puis alors cette journée m’a donné encore plus envie qu’elle se termine… sous peine de devenir une meurtrière.

Oui, parce qu’aujourd’hui, j’ai passé la journée à côté de Nympholie, en cours, vu que Ninie, son habituelle compagne de tablée, n’était pas là. Je ne comprenais pas le calvaire de Ninie, jusqu’à aujourd’hui. Maintenant je sais que la souffrance n’est jamais bien loin…

Cette fille a une saison de plus que moi, mais c’est assez troublant de voir à quel point on peut être crétine à cet âge-là. Par crétine j’entends qui pourrait aisément entrer en compétition avec un adolescent boutonneux de quatorze saisons en pleine crise cérébro-déficiente hormonale.

Donc, pour résumer, je répète trois fois la même vanne histoire que toute la classe l’ait bien entendue, et plus si personne n’a ri (c’est-à-dire en moyenne sept répétitions par vanne, puisqu’elles sont toujours foireuses), je raconte des trucs pas intéressants à cette pauvre Suny qui tente de suivre le cours qui, lui, est intéressant, je lui répète trois fois les mêmes trucs jusqu’à ce qu’elle fasse signe qu’elle m’a entendu, à savoir un sourire compréhensif au début de la journée, et une insulte quand la journée arrivait à sa fin, et le pire… Dès que quelqu’un dit quelque chose d’intelligent, elle sort sa vanne favorite : « La culture, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale ». Le problème avec elle c’est qu’elle en a tellement pas qu’elle ne peut même pas tenter de l’étaler. Si encore elle essayait d’en acquérir… Mais il semblerait qu’elle fait tout pour se noyer dans son insignifiance, et que tout ce qui l’intéresse c’est son cul, les mecs qui passent sur son cul, les mecs qui regardent son cul, les mecs qui parlent de son cul, et parfois les bruits qui en sortent, parce que oui, dire « caca » et « prout », c’est rigolo (encore un mot clé !!).

Bon, du coup vu que les vannes et les insultes ne marchaient pas – vu qu’elle ne les comprenait pas – j’ai dû en arriver aux mains. Ce que je ne savais pas, c’est qu’elle est maso, la nympho…

Sinon, hormis la torture mentale d’aujourd’hui, hier j’ai eu droit à la torture physique, la pure, la vraie : course à pieds en entretien physique ! Faut être vraiment taré pour faire courir 1500km à une fée solaire en plein mois de février, sous le vent, la neige, la grêle, la pluie, la tempête, tout en même temps ! J’étais censée le faire en 80 minutes si je ne voulais pas que ma note soit négative. Je l’ai fait en 2h20, mais je l’ai fait, et tout ce que ça m’a apporté c’est une démarche de pingouin trop membré toute la journée d’aujourd’hui, et des plaintes désespérées à chaque fois que je devais m’asseoir. C’est là qu’on se rend compte qu’on a des cuisses, et qu’elles peuvent se rebeller, elles aussi (heureusement elles n’ont pas décidé de prendre exemple sur mes cheveux).

Aaaaah et puis il faut que je te raconte ma crêpe-party. Je suis fière de Van Grump, il n’a pas fait la moindre tentative de récupération.

Par contre Van Grippe, sa sœur, a elle aussi failli y laisser sa tête. J’étais tranquillement assise à côté d’elle à boire du cidre pour l’apéro, et je sais pas pourquoi elle a commencé à me parler du cochon qu’ils ont acheté pour le cuisiner en saucisses. Et v’la-t’y pas qu’elle se met à imiter le cri qu’il a fait quand ils l’ont égorgé. Outre le fait que son imitation était des plus ridicules, franchement la mise à mort d’un animal, quel qu’il soit, je ne veux même pas en entendre parler, ce que je lui ai fait remarquer. Puis je lui fais aussi remarquer que d’après la loi (cette fois je suis d’accord avec), un animal avant d’être abattu dans le but d’être ingéré doit être préalablement assommé, ce qui me paraît tout de même plus humain.

Et elle me regarde, perplexe :

-         Mais si on l’assomme il saignera moins !

Subite envie de vérifier sur elle.

-         Ouais m’enfin il souffrira moins, aussi.

-         Et alors ? On s’en fout !

-         Mais tu sais, c’est un être vivant…

-         Ben il a été conçu pour ça, hein.

-         ... ?? …

-         Ben ouais, c’est un cochon, on l’a acheté, c’était dans le but de le trucider sauvagement.

Bon, dernière solution, je serre les dents, les poings et tout ce que je peux et je me soule au cidre pour tenter d’oublier cette fugitive image de Suny en train de trucider sauvagement cette cochonne.

Et je commence donc à écouter Van Viock, le patriarche, qui s’extasie pendant au moins trois heures du rassemblement d’ornithorynques à la viennoiserie hier. Ç’aurait pu être supportable s’il n’était passé ensuite à l’incroyable reproduction des kiwis puis à la vitesse de vol des autruches.

Enfin je vais passer outre les détails, je ne voudrais pas que tu te suicides avant l’heure.

Tout ça pour dire que mon week-end sera très probablement asocial.

Suny, décérébrée.