La dure vie de fée...

Le 16 janvier 2007

Chère Lily,

Aujourd’hui, je suis fatiguée à rien faire. Ou plutôt fatiguée de chercher désespérément que faire. Non, je ne suis pas en pleine incertitude psychologique – enfin si, mais ce n’est pas de ça que je parle – mais en pleine inactivité professionnelle. Vivement le printemps que les clients reviennent ! Je ne sais pas ce qu’ils ont, en hiver ils doivent se trouver des bouillottes en CDD et du coup ils n’ont plus besoin d’accompagnatrice (ouais call-girl ça ne se dit plus, ça fait trop chienne. Accompagnatrice ça fait classe, tu trouves pas ?)

Du coup, j’erre comme une âme en peine dans notre usine réaménagée, j’essaie des bas résille par-ci, un nouveau vernis à ongles par-là, mais malgré tout je m’ennuie.

Je ne peux même pas discuter avec Fifi ou Riri, ni même avec Loulou, parce qu’elles ont la chance de toujours trouver de l’occupation (mais je sais pas moi, je dois être au mauvais endroit au mauvais moment à chaque fois, c’est fou !). Barnabé le stagiaire gigolo est toujours aussi mou du bulbe – je me demande de plus en plus ce qu’il fout là celui-là. Il doit être amoureux. Pas bon d’être amoureux dans ce métier, il devrait pourtant le savoir, c’est la première chose qu’on apprend en BTS d’accompagnement, bon sang ! – alors pour avoir une conversation un tant soit peu intéressante, c’est pas gagné… Ariel (oui oui la sirène, elle a définitivement décidé de garder ses jambes, mais vu que le prince Eric est un gros connard, elle l’a quitté et a décidé de devenir indépendante), je disais donc que Ariel, qui est aussi stagiaire chez nous, mais pour trois mois, je sais pas comment elle fait, mais elle, elle a plein de boulot. Mais je crois que c’est parce qu’elle, elle n’attend pas qu’on la demande. Elle va chercher…

Et il est hors de question d’aller chercher, j’ai dépassé ce stade vois-tu ! Mais du coup, je m’ennuie.

Alors je réfléchis.

Ce matin, alors que j’étais en train de réfléchir à la place que devrait avoir la fée dans le monde de l’accompagnement, mon vibreur est venu semer la panique dans mon soutien-gorge (oui, je range mon portable dans mon soutif, c’est mon médecin qui me l’a conseillé). Enfin de la compagnie !

-         Oui Mademoiselle Sunny c’est bien ça je suis le livreur Postminute je suis devant chez vous il n’y a personne visiblement que fais-je de votre colis ? me débite une voix des plus joyeuses et pleines de vie.

Pfff il a une fée au téléphone et il est infoutu de faire preuve d’un peu de joie de vivre, nan mais je te jure, ces humains.

-         Oui c’est bien moi, en effet je suis au travail. Ça ne rentre pas dans la boite aux lettres ? demandé-je aimablement.

Après tout être avenante fait partie de mon métier, même si parfois c’est difficile.

-         Non mais je vois que chez vos voisins il y a une boite à colis dans laquelle il renterait.

-         Parfait !

-         Merci aurevoir.

Hein ?? Quoi ?? Il n’a même pas attendu ma réponse et me raccroche au nez ! Et dire que je me faisais une joie de ce coup de fil… Et dire qu’il aurait dû se faire une joie de m’appeler !!

Comment a-t-il eu mon numéro d’ailleurs ? Je ne suis pas abonnée chez Postminute, et je n’ai rien commandé qui puisse arriver par Postminute.

Probablement une surprise… Je me demande ce que c’est. Je rêve d’un soutien-gorge en dentelle rose avec des strass sur les bretelles. Je n’en ai que cinq, il m’en faut absolument un sixième. Ou alors c’est peut-être une nouvelle poupée vaudou ? Oui, je sais, une fée ne devrait pas faire de vaudou. Mais vas savoir pourquoi, tous les humains qui tombent sous mon charme et qui bien évidemment ne tardent jamais à voir venir leurs désillusions, ne m’envoient pas des fleurs, non, ni des chocolats, mais des poupées vaudou. Avec des tas d’aiguilles. Tu crois qu’ils cherchent à me faire comprendre quelque chose ?

Enfin dans tous les cas, puisque je les ai ces poupées, je ne vois pas pourquoi je m’en servirais pas. Rhô d’ailleurs, il faudra que je pense à vaudouiser Van Grump. Mais je te raconterai pourquoi demain, je vais à l’opéra ce soir avec lui (quelle idiote aussi… Enfin même les fées ne sont pas parfaites), alors j’aurai peut-être plus de matière pour t’en parler.

Féériquement tienne,

Suny.